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07/08

Investissement à impact

Comment le définir et le mesurer ?

EXECUTIVE SUMMARY – Infrastructures de nos vies quotidiennes et deuxième source de gaz à effet de serre en France, l’immobilier est un enjeu essentiel des transitions écologique et sociale. Comment dès lors les financeurs de l’immobilier peuvent-ils s’assurer que leurs investissements y contribuent bien ? C’est pour explorer cette question que Curiosity is Keys s’intéresse aujourd’hui à la finance durable, et plus particulièrement à l’investissement à impact.

Nous connaissons bien l’investissement responsable chez Curiosity is Keys puisque le principal fonds d’investissement immobilier de Keys REIM, la société de gestion du Groupe Keys Asset Management, est labellisé “ISR” par le Ministère de l’Economie et des Finances. L’impact investing ou investissement à impact est en quelque sorte “l’étape d’après” l’ISR. Apparu aux Etats-Unis à la fin des années 2000, son développement tend à s’accélérer. Dans l’immobilier, de plus en plus de sociétés de gestion créent des fonds d’investissement “à impact”, comme par exemple l’OPPCI Immobilier Impact Investing lancé en 2019 par Swiss Life Asset Managers France ou l’European Impact Property Fund de BNP Paribas Real Estate Investment Management en 2020 au Luxembourg – voir exemples plus bas.

Mais à quelles conditions peut-on parler d’investissement à impact sans céder au greenwashing ? Comment mesurer l’impact d’un investissement sur les transitions écologiques et sociales ? C’est l’objectif de cette revue de littérature qui propose de faire le point sur ce qu’est l’investissement à impact et sur la manière dont il est pratiqué aujourd’hui.

“Améliorer les choses”… et les mesurer

L’investissement à impact va plus loin que l’investissement dit “responsable” car “en plus de chercher à ne pas nuire, il cherche à améliorer les choses”, résume le président de Paris Europlace, Augustin de Romanet.

L’investissement à impact va plus loin que l’investissement dit “responsable” car en plus de chercher à ne pas nuire, il cherche à améliorer les choses.

Le GIIN (Global Impact Investing Network) propose une définition qui fait consensus en retenant 4 critères essentiels et cumulatifs pour pouvoir parler d’investissement à impact :

“L’intentionnalité”, c’est-à-dire une démarche proactive et volontaire de création d’impact social et/ou environnemental positif – par opposition à une externalité positive générée sans démarche dédiée, comme le précise Sandra Bernard Colinet qui a remis un rapport au Gouvernement français sur le sujet en 2020.

“L’utilisation de preuves et données d’impact dans la conception des investissements” en définissant des objectifs sociaux et environnementaux mesurables. L’impact ne se mesure pas “au doigt mouillé” mais à partir d’un résultat tangible. “Par exemple, si l’objectif est de réduire le nombre de chômeurs par la formation, la réalisation est le nombre de chômeurs formés [et] l’impact est le nombre de chômeurs ayant retrouvé un CDI grâce à la formation”, illustre Sandra Bernard Colinet. Des résultats permettant d’atteindre des objectifs partagés par tous comme les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU ou la taxonomie européenne en cours d’adoption permettent de s’assurer que les ambitions affichées répondent aux besoins écologiques et sociaux.

“La gestion des performances d’impact” : la question de la collecte de données, de la mesure et du suivi dans le temps de la démarche d’impact n’est pas un simple sujet technique mais bel et bien un enjeu de crédibilité pour lutter contre les risques de greenwashing.

“La contribution à la croissance de l’industrie”, situant pleinement l’investissement à impact dans le monde marchand.

Besoin d’un cadre clair contre le greenwashing

Alors même que la mesure de l’impact social et/ou environnemental est un pilier essentiel de la démarché d’impact investing, il n’existe pas aujourd’hui de standard de mesure. La diversité des entreprises, projets ou actifs immobiliers dans lesquels ces fonds investissent fait qu’il n’est pas possible, et pas même souhaitable, de standardiser l’évaluation et la mesure de l’impact, conclut Sandra Bernard Colinet dans son rapport au Gouvernement. Chacun propose donc ses propres critères et indicateurs. Ainsi par exemple :

Raise Impact a développé pour son fonds France 2i une méthodologie “propriétaire et unique” pour mesurer la contribution des entreprises aux Objectifs de développement durable de l’ONU. Cet outil s’appuie notamment sur un “volume d’impact” qui prend en compte la taille / le chiffre d’affaires des entreprises concernées et sur des indicateurs d’impact spécifiquement choisis pour chaque participation mais consolidables à l’échelle du fonds.

BNP Paribas, la Caisse des Dépôts et INCO ont développé leur propre outil baptisé MESSIS, dont le détail n’est pas public.

Le monde de l’investissement à impact plaide en revanche pour une méthodologie commune de définition des indicateurs. Des acteurs de référence comme le GIIN ou l’OCDE avec le PNUD ont partagé leur méthodologie de calcul d’impact. La méthode COMPASS du GIIN permet par exemple d’offrir aux investisseurs un aperçu en trois chiffres de leurs performances d’impact : en terme d’échelle, de rythme et d’efficacité. 

Car l’absence de cadre légal ou de standard partagé par le marché laisse la porte ouverte aux soupçons de greenwashing ou d’ “impact washing”. Ainsi, à l’occasion de l’élection présidentielle de 2022, 2 000 entrepreneurs français engagés dans l’économie à imapct ont réclamé aux candidats la création d’un statut d’Entreprises à Impact – à l’image du statut d’entreprise à mission créé par la Loi PACTE – et d’un cadre méthodologique qui fasse référence. C’est pourquoi Curiosity is Keys appelle de ses voeux la définition d’une ambition partagée et crédible d’investissement à impact dans le secteur de l’immobilier.

Deux exemples de fonds immobiliers à impact

OPPCI Immobilier Impact Investing (France) : géré par Swiss Life Asset Managers France en partenariat avec Cedrus & Partners, ce fonds a été lancé en 2019 avec pour objectif de reloger des personnes en difficulté en partenariat avec deux acteurs de l’habitat social, le Samu social de Paris et Habitat et Humanisme, tout en ayant un objectif de rendement pour les investisseurs. Son portefeuille  s’articule autour de deux volets. Un volet social qui représente 20% des engagements totaux des investisseurs, et se compose d’actifs résidentiels, construits ou à construire, sélectionnés en accord avec les partenaires et mis à leur disposition gratuitement. Et 80% du portefeuille va à un volet “à rendement”, dans des actifs dédiés à l’hébergement sénior ou étudiant géré. 

EIPF ou European Impact Property Fund (Luxembourg) : ce fonds de placement immobilier institutionnel a été lancé en novembre 2020 par BNP Paribas Real Estate Investment Management. Il investit dans tous les secteurs de l’immobilier, du bureau d’entreprise au résidentiel en passant par l’hôtellerie et la logistique. Géré par BNP Paribas REIM Luxembourg, il est réservé aux investisseurs institutionnels internationaux. Les ambitions de ce fonds sont de devenir le premier fonds immobilier européen Core conforme à l’Accord de Paris sur le climat, qui vise à limiter le réchauffement planétaire à 1,5 ºC et parvenir à la neutralité carbone à horizon 2050. Dans ce cadre, BNP Paribas REIM a développé une approche “Best-in-progress” qui,  à la différence d’une méthodologie “Best-in-class” qui cible des actifs neufs et livrés aux dernières normes, vise à améliorer la performance environnementale des immeubles existants.